« Je crois, toujours, que cela sert à quelque chose de se battre » 

(Déclaration de Simone Veil à Libération, 1995)

Figure incontournable de l’histoire politique française, Simone Veil a marqué les esprits par son engagement sans relâche dans la lutte pour les droits des femmes, quasi seule dans un monde d’hommes. Magistrate, femme politique, académicienne, féministe et européenne convaincue, cette icône du XXe siècle a su faire preuve de courage et de détermination sur tous les fronts, sans jamais déroger à ses valeurs.

Jeunesse et carrière politique 

Simone Jacob naît en 1927 dans une famille juive à Nice. Elle subit la ségrégation progressive des lois anti-juives, et à ses 17 ans, en pleine Seconde Guerre mondiale, elle est arrêtée par la Gestapo. Les autres membres de sa famille, hébergé.e.s par des ami.e.s niçois.e.s, sont également arrêté.e.s et déporté.e.s. Iels sont rapidement séparé.e.s et transitent par divers camps de concentration, notamment Auschwitz et Bergen-Belsen. Simone échappe par miracle au camp d’extermination grâce à une kapo ( Les kapos étaient les personnes chargées d’encadrer les prisonnier.ère.s dans les camps de concentration nazis) polonaise qui la transfère dans une annexe en expliquant: « Tu es trop belle pour mourir ». Simone et ses deux sœurs, Madeleine et Denise, seront les seules survivantes de la famille Jacob.

À sa libération, Simone Jacob entame des études de droit et de sciences politiques, avant d’épouser Antoine Veil en 1946, futur ministre sous l’étiquette du parti centriste MRP. Toutefois, ce dernier s’oppose à ce que Simone fasse une carrière d’avocate. Qu’à cela ne tienne, elle se tourne vers la magistrature. Elle travaille tout d’abord dans l’administration pénitentiaire où elle instaure des mesures améliorant les conditions de vie des détenu.e.s. Pendant la guerre d’Algérie, elle parvient notamment à transférer en France des prisonnières algériennes ayant subi viols et mauvais traitements. Alors que seules 40% des Françaises travaillent, et encore moins dans les cercles de la bourgeoisie parisienne, la carrière professionnelle de Simone Veil surprend et ne fait pas l’unanimité. 

Femme brillante au caractère bien trempé, elle se passionne pour la politique et entre au gouvernement en 1969 au sein du Ministère de la Justice. Elle devient ensuite Ministre de la Santé sous Valéry Giscard d’Estaing dès 1974, puis occupe différents postes de Ministre jusqu’en 1995. Lors des élections au suffrage universel du premier Parlement européen en 1979, elle porte les couleurs de l’Union pour la Démocratie Française (UDF), et devient alors la première femme à présider le tout nouveau Parlement. 

Simone Veil passe ses dernières années en politique au Conseil Constitutionnel jusqu’en 2007, avant de se retirer peu à peu de la scène publique.

Simone Veil préside une séance du Parlement européen à Strasbourg, 1979

Combat pour les femmes

Tout au long de sa carrière, Simone Veil fait passer ses convictions avant les étiquettes politiques ou les mœurs de son époque. C’est ainsi qu’en 1974, elle présente devant l’Assemblée nationale son projet de loi sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), qui dépénalise l’avortement. Face à plusieurs centaines de parlementaires réfractaires, elle déclare dans un discours qui restera dans les mémoires: « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes : c’est toujours un drame, cela restera toujours un drame ». La ministre de la Santé vient d’engendrer 25 heures de débat durant lesquelles les opposants à son projet font preuve d’une violence extrême à son encontre, allant jusqu’à diffuser dans l’hémicycle les battements de coeur d’un foetus ou lui reprocher, à elle, rescapée des camps, le “choix d’un génocide”. 

Le texte, dit Loi Veil, est finalement adopté le 17 janvier 1975.

Au cours de ses années à la tête de du ministère de la Santé sous différents gouvernements, Simone Veil parvient également à faire rembourser la pilule contraceptive par la Sécurité Sociale, à instaurer des aides financières pour les mères d’enfants en bas âge, ainsi qu’à octroyer un congé sans solde de deux ans après l’accouchement. 

Mémoire des camps

Outre son combat pour l’égalité des genres, Simone Veil lutta tout au long de sa vie pour que le souvenir des camps subsiste auprès des générations futures. Ce devoir de mémoire la pousse notamment à présider la Fondation pour la mémoire de la Shoah, de 2000 à 2007. 

En 1992, alors qu’elle est députée européenne, elle dénonce les camps en Bosnie durant la guerre des Balkans. Elle se positionne en faveur d’une intervention musclée et s’insurge contre l’attitude de certains dirigeant.e.s qu’elle estime passive ; « On ne peut pas se cacher derrière la solution politique […]. Je ne veux pas réentendre ce que j’ai entendu il y a cinquante ans ». 

Portrait de Simone Veil, Thierry Ehrmann (2019)

La paix européenne 

Simone Veil voue une grande partie de sa vie politique à l’Europe, qu’elle estime être le seul gage de paix pour le continent. Elle s’installe ainsi en Allemagne avec son mari Antoine alors qu’il y fait ses études, quelques années seulement après la Shoah. Promotrice convaincue de la réconciliation franco-allemande, elle soutient face à son entourage réticent qu’il est nécessaire de faire la distinction entre les nazis responsables des horreurs et le peuple allemand dans son ensemble. Elle n’hésite pas à se prononcer contre la théorie de la banalisation du mal et de la responsabilité collective portée par la philosophe Hannah Arendt, qu’elle affirme être un « tour de passe-passe commode », dans lequel « tout le monde est coupable donc personne ne l’est » (Une Vie, 2007).

Tout en soulignant les difficultés du projet, elle œuvre pour la construction européenne durant sa présidence au Parlement. Malgré la faible importance des pouvoirs du Parlement à ses débuts, Simone Veil lui donne plus de visibilité dans le domaine des droits humains. Elle soutient notamment le développement par Yvette Roudy de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres en 1979, souhaitant porter le féminisme à l’échelle européenne. 

Ayant à cœur d’œuvrer pour la paix et de mener ses projets jusqu’au bout, elle n’hésite pas à dépasser les clivages politiques, votant parfois à gauche et parfois à droite, au Parlement européen comme aux élections françaises. Elle crée par ailleurs en 1983 avec son mari le Club Vauban, un cercle de réflexion au-delà des étiquettes politiques.

La journaliste Michèle Cotta déclare en 2017 à propos de Simone Veil: « Elle a trouvé le courage d’aller s’installer en Allemagne avec son mari après être sortie des camps, elle a aussi eu le courage d’être une européenne convaincue ».

Postérité

Simone Veil entre à l’Académie Française en 2010 et fait graver son matricule d’Auschwitz-Birkenau sur son épée d’Immortelle. Elle repose désormais au Panthéon aux côtés de son mari Antoine, sur décision d’Emmanuel Macron qui lui a rendu un hommage national le 1er juillet 2018.

Son autobiographie Une Vie (2007) constitue un témoignage poignant et personnel, incarnation d’un féminisme rebelle et déterminé.

2 Comments

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