Chaque année, le 7 avril, est célébrée la Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda, établie par l’Assemblée générale des Nations unies en 2003. Le 7 avril 1994 marque le début du génocide contre les Tutsis au Rwanda, perpétré par le gouvernement extrémiste Hutu. Dans les 100 jours qui ont suivi, plus d’un million de membres de la minorité Tutsis ont été assassiné.e.s. Des Hutus modéré.e.s, c’est-à-dire en opposition avec les actes des génocidaires, ou ne prenant pas part aux massacres, et d’autres opposant.e.s aux atrocités, ont également été tué.e.s au cours de cette période.
Depuis, un grand nombre des auteur.rice.s du génocide ont été poursuivi.e.s, par le biais de différents mécanismes judiciaires et extrajudiciaires, incluant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, la justice nationale, les Gacacas (tribunaux populaires), l’usage de la compétence universelle (notamment en France et en Belgique), mais aussi par une Commission pour l’Unité nationale et la Réconciliation. Un travail considérable de mémoire a aussi été élaboré afin de garantir la réparation des survivant.e.s et la non-répétition de telles atrocités et de réconcilier la population rwandaise.
Nombreuses sont les œuvres, de différentes formes, à rendre hommage aux victimes et à effectuer ce travail de mémoire1. Le chanteur Corneille fait partie des artistes qui ont évoqué ce passé dans leurs compositions. Né en Allemagne en 1977, Corneille a passé son enfance au Rwanda, dans la capitale Kigali. Son père, Émile Nyungura, tutsi, était ingénieur électricien et est entré en politique, devenant l’un des dirigeants du parti social-démocrate (PSD) rwandais. Sa mère, Hutu, travaillait à la banque commerciale de Kigali. Lorsque le génocide éclate, Corneille a alors 17 ans. Un groupe armé entre dans la maison familiale dans la nuit du 15 au 16 avril 1994 et assassine ses parents ainsi que ses deux frères et sa petite sœur. L’adolescent assiste au massacre. Il y survit et s’enfuit au Zaïre, puis se réfugie en Allemagne avant de partir vivre au Canada.
Chanteur engagé, son œuvre est marquée par son histoire et le génocide rwandais duquel il est un survivant. C’est notamment le cas de la chanson « Sur la tombe de mes gens », extraite de l’album Les marchands de rêve sorti en 2005. Dans celle-ci, l’artiste revient avec poésie sur cet événement traumatisant. Il fait écho au besoin de mémoire, « on s’en rappelle toujours au nom de tous les miens », pour éviter la répétition de ces atrocités.
Il évoque aussi l’appréhension du retour sur les pas de ce traumatisme, la peur de sa réaction, « Vais-je en vouloir à la Terre, d’avoir laissé vaincre la haine ». Il conclut que malgré le doute, il est nécessaire d’y retourner, notamment pour ne pas oublier les victimes, mais aussi pour avancer, « Pour se défaire d’un passé trop lourd ». Il faut garder en tête des choses positives, les souvenirs de bonheur d’avant l’atrocité, ne pas résumer le Rwanda à ce massacre.
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Je reverrai le jardin
Où j’ai laissé reposer les corps des miens un beau matin
Je retrouverai aussi ces braves
Qui nous cachaient de la fin
Je leur chanterai qu’on s’en rappelle toujours au nom de tous les miens
Sur la tombe de mes gens
Je reverrai le chemin
Le long couloir du désespoir
Le grand exode, le long chemin
Et au bout toujours l’animal, qui a changé mon destin
Qui, fatigué, m’a dit va, je laisse le plaisir au prochain
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Je reverrai mon pays
Les mille collines et les vents chauds
Et les rues, où j’ai tout appris
Je retrouverai mes vieux amours
Et ma première fois peut-être
Celle que j’aimerai toujours
Mais qui je crois ne doit plus être
Sur la tombe de mes gens
Je me reverrai petit homme
Grand de cœur et de courage
Mais tout petit comme tous les hommes
Prendre de l’élan sans recul
Pour se défaire d’un passé trop lourd
Sans savoir que l’heure viendra
Où il faudra qu’il y retourne
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Vais-je enfin pleurer de peine
Vais-je en vouloir à la Terre
D’avoir laissé vaincre la haine
Vais-je vouloir leur faire la peau
À ces maudits fils de chiennes
Les grands comme les petits bourreaux
Ou vais-je rester peace quoi qu’il advienne
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Faudra bien qu’on y retourne un jour
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
Sur la tombe de mes gens
↑1 | Comme la chanson, le livre de Gaël Faye, puis le film (Eric Barbier) Petit Pays. Retrouver la recommandation de la chanson sur notre site internet. |
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