« Petit pays » est une chanson emblématique de Gaël Faye extraite de son album Pili Pili sur un croissant au beurre, sorti en 2013. L’album mêle, entre autres, rap, slam, jazz, soul, samba, rumba congolaise et sébène, à l’image de son auteur-compositeur, un artiste pluriel et métissé. « Petit pays » est également le nom qu’il a décidé de donner à son premier roman, adapté au cinéma en 2020, qui a été unanimement saluée par la critique et le public.
« Une vie déracinée »
Auteur-compositeur-interprète, Gaël Faye est né en 1982 au Burundi, d’une mère rwandaise et d’un père français. Il grandit dans un quartier confortable de Kinanira à Bujumbura (Burundi) et mène une enfance heureuse dans une famille aisée. Cependant, son bonheur sera gravement compromis par les développements géopolitiques du pays. Après la dissolution de sa famille, il observe l’instabilité s’installer dans la région : l’éruption de conflits internes au Burundi et le déclenchement du génocide des Tutsi.e.s au Rwanda.
Le génocide au Rwanda s’est produit en 1994. À cette époque, il y avait deux principaux groupes ethniques dans le pays : les Hutu.e.s et les Tutsi.e.s. Ce sont deux groupes étroitement liés peuplant le Rwanda, partageant la même langue, ainsi que des traditions culturelles et religieuses communes. Néanmoins, des tensions entre les deux groupes existent depuis longtemps en raison de problèmes historiques et politiques. En avril 1994, un avion transportant le président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, Hutu, est abattu, déclenchant des violences à grande échelle. Par la suite, des extrémistes hutus ont commencé à massacrer systématiquement les Tutsi.e.s, ainsi que les Hutu.e.s modéré.e.s qui s’opposaient à elleux. En environ 100 jours, près de 800 000 personnes, principalement des Tutsi.e.s, ont été tuées de manière horrible : les massacres étaient brutaux et faisaient usage de machettes, de fusils et d’autres armes. Les Nations unies et la communauté internationale n’ont pas réussi à intervenir efficacement pour arrêter le génocide. Ce génocide a eu des conséquences dévastatrices pour le Rwanda et la région environnante. Des milliers de personnes ont été traumatisées et le pays a été profondément marqué. Si les événements du Rwanda n’ont pas eu un impact direct sur le Burundi, les deux pays partagent tout de même des similitudes en termes de contexte et tensions ethniques. Bien que le Burundi n’ait pas connu un génocide de la même ampleur que celui du Rwanda en 1994, le pays a connu une guerre civile prolongée, principalement liée à des rivalités politiques et ethniques.
C’est ainsi qu’en 1995, Gaël Faye se voit contraint de fuir son pays natal pour rejoindre la France. Cette étape de sa vie marque un besoin qui ne le quittera plus : extérioriser par les mots tous les sentiments d’une vie déracinée.
« Petit pays », reflet d’une vie
Pendant son adolescence en France, Gaël Faye découvre le rap et le hip-hop. À travers la musique, il parvient à exprimer sa douleur causée par l’exil, et à se reconstruire après la perte de ses repères. Son premier album contient quinze titres qui explorent des thèmes sociaux et personnels, créant une atmosphère émotionnelle profonde. Produit par le compositeur Guillaume Poncelet, le disque reçoit le Prix Charles-Cros des lycéens (2012-2014) de la nouvelle chanson francophone.
Trois ans plus tard, en 2016, Gaël Faye publie son premier roman du même nom. Partiellement autobiographique, Gaël Faye joue avec les mots pour raconter des histoires et partager des réflexions sur son parcours en tant que franco-rwandais, « J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles : le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages… J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d’être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. » (Gaël Faye, « Petit pays », 2016).
La chanson « Petit pays », empreinte de nostalgie et mélancolique, reflète l’histoire personnelle de Gaël Faye, ainsi que les bouleversements politiques et sociaux qui ont marqué son enfance. Il compare sa chanson à une « carte postale » qu’il envoie à son pays natal, le Burundi. Gaël Faye utilise de nombreuses images pour évoquer ses souvenirs d’enfance, les paysages enchanteurs, les rires et les jeux qui remplissaient sa vie dans ce petit coin du monde. Mais derrière cette atmosphère douce-amère se cachent également des thèmes plus sombres, tels que l’exil, la guerre et la perte des repères culturels. Se qualifiant dans sa chanson de « semence d’exil d’un résidu d’étoile filante », il nous raconte l’histoire d’une Afrique brisée suite au génocide du Rwanda, à l’origine de son exil en France. Écartelé entre deux cultures, celle de la France et celle du Burundi, il évoque la difficulté de se sentir chez soi dans un nouvel environnement. La chanson « Petit pays » illustre l’attachement de l’artiste à ses origines tout en exprimant le malaise d’un enfant devenu adulte avant l’âge et devant faire face à la complexité de son identité.
En s’appuyant sur des sonorités douces et des arrangements acoustiques qui renforcent l’émotion des paroles, la musique de « Petit pays » est subtile et émouvante, car empreinte de sincérité et d’authenticité. Grâce à sa plume sensible et sa voix envoûtante, Gaël Faye parvient à toucher le cœur de celleux qui l’écoutent à travers des paroles portant en elles les échos d’une vie marquée par les contrastes et les tourments de l’existence.
Pour conclure
Dans son morceau « Petit pays », Gaël Faye s’adresse au Burundi, pour exprimer à la fois son amour pour sa terre natale et son chagrin des angoisses politiques subies dans les années 1990 par ce territoire, tout comme l’ensemble de la région, profondément ensanglantée par le génocide rwandais.
La chanson se révèle être bien plus qu’une simple composition musicale. C’est un véritable récit émotionnel qui transcende les frontières géographiques et culturelles pour toucher l’âme de chacun.e. Par le biais de ses paroles évocatrices et de sa musique envoûtante, Gaël Faye nous transporte dans son univers personnel, intime, nous offrant un aperçu poignant de son passé, de ses racines et de son vécu. « Petit pays » incarne la dualité complexe d’un individu pris entre deux mondes, luttant pour trouver sa place dans une société marquée par l’instabilité. Elle évoque avec justesse les thèmes universels de l’exil, de la nostalgie pour un pays perdu, mais également la résilience et la recherche de son identité.
« Petit pays » est un récit chanté à la mémoire de cette terre qui a façonné Gaël Faye, avec ses joies et ses blessures. En nous racontant son histoire, l’artiste nous invite à nous questionner sur nos propres origines et l’importance qu’elles peuvent avoir dans notre construction en tant qu’individu.e.s. Au-delà de ses caractéristiques musicales, cette chanson est un appel à l’empathie et à la compréhension mutuelle, rappelant que derrière chaque personne se cache une histoire unique et singulière. Gaël Faye nous offre ainsi une œuvre intemporelle, une invitation à ouvrir nos cœurs et à embrasser la diversité de notre monde. « Petit pays » restera à jamais une œuvre poétique et émouvante qui continue de résonner avec émotion dans l’esprit de celleux qui l’écoutent.
Gaël Faye & Francis Muhire, « Petit pays », Pili pili sur un croissant au beurre, 2013.
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