Gabrielle, étouffant dans le milieu fermé des soyeux lyonnais, quitte Lyon après la mort de son père pour s’installer à Paris, déterminée à devenir peintre. En 1920, la capitale est en ébullition avec ses cafés, bals, bordels et cabarets, offrant une atmosphère effervescente. En se mêlant à la société cosmopolite des artistes de Montparnasse, elle découvre une vie plus libre et des amours plus risquées. Cependant, face à la menace d’un scandale familial, sa famille décide d’intervenir. 

Une saison à Montparnasse est une immersion captivante dans le Paris des années folles et le portrait d’une femme émancipée dont l’audace finit par être récompensée.

Rendez-vous dans le quartier de Montparnasse à la fin des années 20

C’est une histoire captivante qui débute dans le milieu de la soierie à Lyon. Gabrielle, passionnée d’art, laisse à ses frères l’héritage et la gestion de l’entreprise familiale pour poursuivre son rêve : devenir peintre. Ne correspondant pas aux attentes de sa famille aisée, elle part à Paris pour étudier la peinture et s’installer à Montparnasse. 

À cette époque, Montparnasse est le cÅ“ur battant de la vie artistique et intellectuelle parisienne. Ce quartier est devenu un haut-lieu de l’Art où les cafés servent de points de rencontre pour artistes, écrivain.e.s et intellectuel.le.s du monde entier, bouillonnant de créativité et d’effervescence culturelle. Gabrielle, notre protagoniste, s’y installe pour étudier la peinture. Issue d’un milieu bourgeois lyonnais, elle goûte avec délice à sa nouvelle liberté et indépendance. Là-bas, elle s’épanouit et progresse dans son art, entourée d’artistes des années 30 et menant une vie heureuse et insouciante, loin des contraintes familiales. Elle y découvre aussi l’amour avec Marcelle, une jeune artiste qu’elle rencontre à Paris. Bien que la communauté homosexuelle vive relativement paisiblement à Montparnasse, la société française considère encore le sujet comme tabou. « Et puis, on était à Montparnasse, où rien ne semblait porter à conséquence. La vie était aussi légère, aussi pétillante que le champagne dont Gabrielle prenait dangereusement l’habitude, consacrant désormais autant d’énergie à étudier la peinture qu’à s’étourdir. »

Gabrielle côtoie peintres et artistes ; et sa vie à Montparnasse est décrite avec une grande précision, nous immergeant dans cet univers historique unique. La peinture, sujet fascinant, est au cœur du récit, et suivre Gabrielle dans sa quête pour devenir une artiste reconnue est passionnant. L’auteur dépeint parfaitement l’atmosphère vibrante de cette époque dans ce quartier dynamique qui a rapidement gagné le statut de centre artistique majeur.

De la Liberté à la Réclusion : le combat de Gabrielle

Malheureusement, le mode de vie dissolu de Gabrielle parvient aux oreilles de ses deux frères conservateurs qui s’inquiètent alors pour la réputation familiale. Ils décident donc de prendre une mesure radicale. Ne tolérant pas son mode de vie, ils la placent, à 32 ans, dans un établissement psychiatrique en Suisse pour tenter de la « soigner de ses perversions ». L’histoire passe alors de moments joyeux à Paris, avec l’effervescence de Montparnasse, à la réclusion dans une institution psychiatrique. Malgré les mauvais traitements, Gabrielle, dotée d’un fort caractère, résiste. Le résumé du roman n’en dit rien, je vous laisse donc découvrir les détails en lisant Une saison à Montparnasse. 

Cette histoire nous rappelle qu’il faudra encore plusieurs dizaines d’années pour que la société accepte enfin les personnes homosexuel.le.s, et cesse de les traiter comme des déviant.e.s. À travers le personnage de Gabrielle, on constate les énormes défis auxquels étaient confronté.e.s les personnes LGBTQ+ au début du vingtième siècle. Son internement dans une institution psychiatrique par sa propre famille, sous prétexte de protéger l’honneur familial, souligne la rigidité des normes sociales et l’intolérance sociétale de l’époque. Gabrielle, qui trouve d’abord refuge et liberté à Montparnasse, un quartier bouillonnant de créativité et de diversité, est brutalement arrachée à cette vie dynamique et inclusive. Sa réclusion forcée illustre non seulement les préjugés sociaux envers les artistes et les femmes indépendantes, mais aussi la condamnation sévère de toute forme de diversité des identités sexuelles. 

Ainsi, au-delà de l’aspect jovial et presque régressif donné par l’ambiance de Montmartre, il s’agit également d’une histoire de force de caractère, d’acceptation de soi, et de lutte contre les codes sociétaux rigides.

Conclusion

Dans Une saison à Montparnasse, l’auteur aborde des thèmes variés tels que les conflits familiaux, l’art, les faussaires et la contrebande d’œuvres d’art, nous plongeant dans le monde parallèle de la fraude. Il décrit comment et où un faux tableau pouvait être vendu à cette époque, en particulier après l’effondrement du marché boursier d’octobre 1929, qui a vu de nombreux investisseurs et entreprises faire faillite, rendant l’investissement dans l’art une valeur refuge. La plume riche et captivante de Colin Thibert maintient l’intérêt du lecteur avec des rebondissements opportuns. Le contexte historique enrichit le récit, et les personnages sont attachants et bien décrits. Gabrielle, déterminée et passionnée, défend ses valeurs non traditionnelles et aspire à vivre de sa passion qu’est la peinture. Ce récit met en lumière la lente évolution des mentalités et nous rappelle l’importance de continuer à lutter pour une société plus juste et inclusive. 

Une saison à Montparnasse, Colin Thibert, 2024, Éditions Héloïse d’Ormesson.

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