Le film retrace l’histoire de Maryam, une jeune médecin qui travaille dans le seul service d’urgence d’une petite zone rurale de l’Arabie saoudite. Elle y est non seulement l’une des seules médecins, mais peine également à faire légitimer son statut de femme médecin par son supérieur.Â
Cela fait maintenant des mois qu’elle tente, sans succès, de faire goudronner l’allée qui mène aux urgences afin de garantir un bon accueil pour les patient.e.s et de meilleures conditions de travail pour le personnel : l’administration lui refuse sans arrêt la mise en place du budget nécessaire à cet effet.Â
Alors qu’elle souhaite se rendre à la conférence médicale de Dubaï au sujet du recrutement de médecins pour le grand hôpital de la province de Ryad, arrivée à l’aéroport, elle se voit refuser son autorisation de voyage car celle-ci est en papier et que l’aéroport n’accepte plus de telle version. Son père étant en tournée avec l’orchestre dans lequel il joue, elle se tourne vers Rachid, cousin de sa mère et directeur gérant les candidatures pour le Conseil municipal. En raison de la période électorale, celui-ci ne reçoit que les candidats aux élections pour le moment, le seul moyen pour Maryam de lui parler est donc de se présenter elle-même à ces élections. Maryam se porte alors candidate pour avoir l’opportunité de parler à Rachid, mais il ne peut pas l’aider pour son autorisation de voyage.
Sa candidature et sa campagne ne sont pas prises au sérieux tant par les femmes que par les hommes. Sur un ton moqueur et infantilisant, Maryam voit sa candidature être sujet de moquerie lorsqu’elle défend celle-ci auprès des médias télévisés et lorsqu’elle sensibilise les femmes de son entourage de l’importance qu’elle représente, à la fois pour elles et pour les questions en matière d’urbanisme qu’elle défend.
Un film qui fait écho à la condition et l’accessibilité de la politique aux femmes au Moyen-Orient
Au Moyen-Orient, le taux de participation des femmes est l’un des plus faibles au monde.¹ En 2015, l’Arabie saoudite a été le dernier pays au monde à accorder le droit de vote aux femmes. Toutefois, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’adoption de quotas par certains pays du Moyen-Orient a permis d’augmenter le pourcentage de femmes siégeant dans les instances politiques de 10 à 18 pourcents entre 2012 et 2017.
Afin d’influencer les mécanismes et actions en faveur de la participation politique des femmes du Moyen-Orient, l’initiative des quotas a été en grande partie entreprise par des organisations internationales comme les Nations unies, le Fonds Monétaire International (FMI), ou encore la Banque mondiale (World Bank). Jusqu’à maintenant, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont les deux pays qui ont le plus de quotas en matière d’inclusion des femmes dans le monde politique. En particulier, les Emirats arabes unis ont le plus grand nombre de femmes au Parlement national, avec 50% de présence féminine grâce à ces quotas. L’Arabie saoudite, quant à elle, a jusqu’à présent limité la participation des femmes saoudiennes à la vie politique au Conseil de la Choura, les empêchant alors de siéger à des postes ministériels et judiciaires. Le Conseil de la Choura est une assemblée consultative, dont le rôle est de soumettre des propositions de lois au Roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud et à son cabinet chargé du pouvoir exécutif. Elle agit à quatorze niveaux, dont les affaires sociales, la culture, la finance, la santé ou encore les droits de l’homme. À l’inverse, le pays du Moyen-Orient où les femmes sont le moins représentées au Parlement est le Yémen, avec 0,55%.1Â
Si la présence de ces quotas ne garantit pas une répartition et une participation égale des femmes dans les instances politiques, elle reste cependant très importante en matière de représentation des femmes dans les sphères politique et publique. Ainsi, il existe une véritable disparité de représentation des femmes entre les chambres élues et nommées au sein des parlements bicaméraux (c’est-à -dire des parlements avec deux chambres législatives). Oman et Bahreïn, les deux seuls pays bicaméraux de la région, ont un faible taux de participation des femmes, avec 9% des juges du pays étant des femmes.2
Néanmoins, il est important de noter une croissance exponentielle de la présence des femmes du Moyen-Orient en politique depuis le XXème siècle. En 2000, la participation des femmes en politique au Moyen-Orient était de 2,85%, de 10,84% en 2010, contre 17,59% en 2020.3 Cette progression a été particulièrement visible durant les printemps arabes, où les femmes ont joué un rôle crucial dans les mouvements révolutionnaires. Cependant, malgré cette implication accrue, beaucoup de femmes actives en politique restent confrontées à de graves violences : 80% des femmes parlementaires ont été exposées à un ou plusieurs actes de violences et menaces physiques, sexuelles et psychologiques. Par ailleurs, une migration de ces violences s’est opérée vers la sphère digitale, avec 32% de cas de harcèlement et de menaces entre 2010 et 2020.4
L’expression politique des femmes du Moyen-Orient dans l’espace public
Si les femmes sont peu présentes dans les instances politiques du Moyen-Orient, elles occupent toutefois une place importante dans l’expression politique au sein de l’espace public. Puissantes actrices de changement dans l’espace public, les femmes sont sur le devant de la scène lors de manifestations visant à faire valoir à la fois leurs droits et ceux des citoyens de leur pays.Â
Depuis 2022, les femmes mènent le mouvement révolutionnaire « Woman, Life, Freedom » en Iran, suite au meurtre de la jeune Mahsa Amini par la police pour « port du voile non conforme à la loi ». Si les femmes sont en première ligne, les hommes et les étudiant.es de toutes origines sociales se joignent aussi à elles dans les rues pour se soulever face aux répressions contre les droits humains et les droits des femmes instituées par le gouvernement iranien. Toutefois, les femmes sont minoritaires dans les instances politiques iraniennes, avec 5,5% de femmes parlementaires en 2022 et 17 femmes au Parlement sur un total de 290 parlementaires aujourd’hui.
En Afghanistan aussi, pays sous le régime taliban, les femmes et filles s’insurgent et se révoltent face aux interdictions et aux privations de leurs droits fondamentaux. Selon les Nations Unies, 95 manifestations ont été menées par des femmes afghanes entre mars et juin 2023. En septembre 2021, les talibans ont affirmé que les femmes ne seraient pas autorisées à « travailler dans des postes de haut rang » au sein du gouvernement et qu’ils « excluaient » les femmes du cabinet.5 En réponse, de nombreux organismes ont vu le jour avec l’objectif de défendre les femmes et les filles afghanes, à l’instar du Conseil des femmes afghanes (AWC, Afghan Women’s Council) qui a vu le jour en 1990, et de l’Association Révolutionnaire des Femmes en Afghanistan (Revolutionary Association of the Women of Afghanistan, RAWA) qui a vu le jour en 1977 au Pakistan.
↑1 | Women’s Political Participation in the Middle East, Yasmine Berriane, HAL Open Science |
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↑2 | Lack of Women in Government in the MENA Region, Emma Cummings, Ballard Brief |
↑3, ↑4 | Advancing Women’s Political Representation in Gulf Governance, Sheridan Cole, Gulf International Forum |
↑5 | Afghanistan is now one of the very few countries with no women in top government rankst, Kara Fox, CNN |