Le XIXème siècle : de la régression à l’amélioration
Le XIXème siècle est une période de grands contrastes. La première partie de ce siècle est si austère et contraignante à l’égard des femmes que l’on parle même de régression.
Les métiers féminins sont encore rares et déconsidérés, il existe une différence très marquée entre les genres et on parle de « faiblesse » du psychisme féminin. La théorie d’Hippocrate dans Des maladies des femmes (1544) résume cette pensée dominante : « Le sexe féminin est rythmé par les grossesses réputées débilitantes et les menstruations à l’origine des sautes d’humeur qui justifient qu’on les écarte de tout rôle public, ni urne, ni tribune pour celles qui saignent tous les mois et portent les enfants ». (Hippocrate, 1544)
Napoléon ne déroge pas à ce courant de pensée et instaure en 1804 le Code Civil. La puissance paternelle fait de la femme mariée une mineure, lestant son devenir de citoyenne. Il émet des lois rédigées à travers divers articles tels que l’article 213 : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari ». Ce code donne aux femmes un statut discriminatoire et régit de façon inégalitaire les relations entre les sexes. Ainsi, à la question : « qu’est-ce que la femme ? », ce code prétend qu’elle est un être de second rang si elle n’est pas mariée, et un être mineur et incapable si elle est mariée. Nul droit politique ou civil ne lui est accordé. De plus, en 1816, le divorce est à nouveau interdit jusqu’en 1884. Cependant, l’égalité demeure totale face à l’impôt et à la prison. Il faut attendre la loi Duruy de 1867 pour que l’État consente un effort éducatif consistant à prévoir une école de filles pour les communes de plus de 500 habitant.e.s.
Une autre caractéristique importante à souligner est qu’il existe au XIXème siècle une distinction très marquée entre les classes bourgeoises dominantes et les classes ouvrières. Selon la définition apparue dans le Journal des Débats en 1847 « La bourgeoisie n’est pas une classe, c’est une position ; on acquiert cette position, on la perd. Le travail, l’économie, la capacité la donne ; le vice, la dissipation, l’oisiveté la font perdre. ». ( Journal des Débats, 1847)
On peut voir cette dualité notamment en comparant plusieurs œuvres comme le roman Bel-Ami (1885) de Guy de Maupassant, dans lequel la femme bourgeoise typique du XIXème siècle est représentée par Clothilde de Martelle, la deuxième femme de Georges Duroy. Elle est riche mais ne se préoccupe pas de l’argent, elle est belle et aime s’amuser sans s’occuper de politique ou d’affaires publiques.
A l’inverse, les femmes issues de classes modestes sont surexploitées et souvent condamnées à un travail non qualifié. L’ouvrière du XIXème siècle est d’abord paysanne. La femme modeste doit concilier son rôle de femme, d’épouse, de mère et d’ouvrière. Emile Zola, chef de file du mouvement naturaliste, dépeint avec une grande précision la condition ouvrière de son époque à travers ses œuvres telles que Germinal (1885) qui fait partie de l’ensemble Les Rougon-Macquart. Zola met en lumière le déterminisme social auquel font face les femmes et hommes de la classe ouvrière.
Le XIXème siècle est également marqué par la Révolution française de 1789, et notamment par l’application de nouvelles lois découlant de la Révolution. Dès les premiers jours, la question des femmes est soulevée par des hommes comme Condorcet, avec son Essai sur l’admission des femmes aux droits de cité, ou des femmes comme Olympe de Gouges, qui proclame en 1791 une Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne. La condition féminine tend alors vers une amélioration. L’apparition du contrat de mariage ou de la possibilité de divorcer est une grande avancée, mais les femmes restent néanmoins exclues de la citoyenneté.
Le XIXème siècle est un siècle charnière, celui d’un lent changement de mentalité. Il est témoin privilégié d’une émancipation progressive de la femme. À partir de la seconde moitié du siècle, avec l’aide de grands auteurs, de femmes féministes ou tout simplement de femmes désireuses de liberté, la place et la condition occupées par le sexe féminin en France évoluent positivement. La femme lectrice est considérée comme hautement intelligente. De grands auteurs vont prendre parti pour les femmes et leur condition tel que Victor Hugo à travers un poème intitulé Oh ! N’insultez jamais une femme qui tombe (1835) dans lequel il délivre un message d’amour et d’espoir. Bien des années après, dans Les Misérables (1862), il reprendra à nouveau la défense des femmes du peuple. Ce changement de mentalité concernant les femmes tend à nous démontrer des améliorations relatives à leurs droits ou leur condition au sein de la société.
Le XXème siècle : à la conquête d’un nouvel Eldorado
Le XXème siècle est marqué par une plus grande visibilité ainsi qu’une amélioration prodigieuse de la condition des femmes au sein de la société française. Après la Seconde Guerre mondiale, l’importance prise par le marxisme dans les sciences sociales françaises explique le succès du terme “condition féminine”. En effet, depuis L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État de Friedrich Engels (1884), l’assujettissement des femmes et la division sexuelle du travail en lien avec la société capitaliste ont été renforcés. Les guerres mondiales placent la femme française au premier plan dans le domaine du travail, lui faisant porter la lourde tâche de faire tourner l’économie du pays. Certaines femmes travaillent ainsi dans les usines pour compenser le manque de main-d’œuvre. D’autres sont très impliquées dans la résistance où elles représentent 20 à 30% des effectifs. On compte notamment parmi leurs rangs Lucie Aubrac, qui racontera son histoire dans son ouvrage Ils partiront dans l’ivresse (1997).
Certaines historiennes ont ainsi considéré cette période comme propice à l’émancipation des femmes car les relations entre les genres ont été profondément modifiées. La littérature féminine se répand de plus en plus avec l’apparition de nouvelles autrices de talent. Ainsi, des femmes écrivaines, de plus en plus nombreuses, se sont affirmées dans cette discipline longtemps dominée par les hommes, comme c’est le cas de Simone de Beauvoir et son ouvrage Le Deuxième Sexe (1949), connu comme étant « la bible du féminisme ». Nous pouvons également citer Marguerite Duras pour avoir remanié la littérature du XXème siècle ou encore Dominique Aury pour la création de la littérature libertine féminine. Toutes trois sont connues pour avoir appuyé avec fermeté leur position au sein de la littérature française et du métier d’écrivain.e.
Durant ce siècle, de nouveaux droits sont également accordés aux femmes. L’Union française pour le suffrage des femmes est créée en 1909 par Jeanne Schmahl avec l’appui du journal La Française, une association qui regroupe des militantes républicaines et réclament le droit de vote et l’éligibilité aux élections municipales. Dans les années 1930, Louise Weiss et son association La femme nouvelle multiplient les manifestations en faveur du droit des femmes. Ces manifestations aboutiront en 1936 lorsque Léon Blum, chef du gouvernement français, nomme trois femmes dans son gouvernement du Front Populaire : Suzanne Lacore en tant que sous-secrétaire d’Etat chargée de la protection de l’enfance, Irène Joliot-Curie à la recherche scientifique et Cécile Brunschvicg, présidente de l’UFSF, en tant que sous-secrétaire d’Etat à l’Education nationale. Le droit de vote est enfin accordé aux femmes par De Gaulle et le GPRF le 21 avril 1944. En terme de liberté sexuelle, la loi Neuwirth de 1967 légalise la contraception et la loi Veil légalise l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), le 17 janvier 1975.
On peut également noter une rupture épistémologique introduite par les féministes des années 1968 comme Christine Delphy qui a avancé les notions de patriarcat, d’oppression et de classe de sexe. Bien que les femmes occupent aujourd’hui une place qui leur revient de droit, d’autres batailles restent encore à être menées, comme le relève l’ouvrage Allez les filles publié en 1992 par Christian Baudelot et Roger Establet, qui montre l’inégalité salariale dans le monde du travail entre les deux genres, ou encore l’essai de Pierre Bourdieu La domination masculine (1998), qui témoigne de l’immobilisme de notre société.
La condition féminine a donc évolué de différentes manières au cours des siècles, que ce soit dans la société ou dans la littérature. De nos jours, la femme jouit d’une égalité modérée et de nombreux droits doivent encore être acquis, tels que l’égalité salariale, l’intégrité corporelle ou encore le droit d’utiliser la contraception et d’interrompre volontairement une grossesse. De plus, si la parité a considérablement évolué, elle est loin d’être en vigueur dans tous les milieux, notamment dans le monde du travail.
Les femmes peuvent donc être fières, continuer leurs combats et leurs avancées et retranscrire leurs victoires au sein de la littérature afin que celles-ci traversent l’histoire.