La Voix d’Aïda (VO: Quo Vadis, Aida?) est un film bosnien réalisé et produit par Jasmila Žbanić, sorti en 2020 et traitant du massacre de Srebrenica pendant la guerre d’ex-Yougoslavie, une guerre proche et pourtant si lointaine. Les exactions qui y ont été commises restent encore trop peu étudiées et peu de personnes ont connaissance de ce qui s’y est passé.

Synopsis

Aïda, professeure d’anglais bosniaque, est requise par l’Organisation des Nations unies (ONU) comme interprète auprès des casques bleus néerlandais dans le camp de réfugié.e.s de la ville de Srebrenica en 1995, pendant la guerre d’ex-Yougoslavie. Lorsque les Serbes prennent la ville, elle est chargée de faire l’intermédiaire, mais aussi de traduire les consignes et de rassurer la foule. En parallèle de ses missions, elle tente de protéger sa famille, coincée à l’extérieur de la base militaire de l’ONU alors que les Serbes progressent.

Le contexte historique

À la suite des proclamations unilatérales d’indépendance de la Slovénie et de la Croatie en 1991, c’est toute la fédération de Yougoslavie qui s’effondre. La Bosnie-Herzégovine, qui cherche , elle aussi, à devenir indépendante en 1992, est violemment réprimée par les forces serbes. Cette guerre dure 3 ans et est marquée par un nettoyage ethnique de la part des Serbes, qui souhaitent chasser les Bosnien.ne.s musulman.e.s (appelé.e.s les Bosniaques) pour créer une Grande Serbie « purifiée », composée seulement de Serbes orthodoxes. C’est précisément sur cette période que se concentre le film, et plus particulièrement sur le massacre de Srebrenica.

Entre 1992 et 1993, la ville de Srebrenica est soumise à de nombreuses offensives serbes et est assiégée, mais la résistance bosniaque ne cède pas. À partir de 1993, Srebrenica devient une zone protégée par les Nations unies, qui y envoient 400 casques bleus néerlandais.

En 1995, les Serbes lancent une forte offensive sur la ville et prennent des casques bleus en otage. Iels exigent que l’ONU cesse tout bombardement de l’armée serbe en échange de la libération des otages. Le lendemain, le représentant des Nations unies en Yougoslavie déclare que les casques bleus déployés n’auraient désormais plus que pour unique mission le respect du principe de maintien de la paix. Le film commence lorsque, le 7 juillet 1995, les forces serbes prennent d’assaut la ville ; les civil.e.s sont alors contraint.e.s de fuir vers la base militaire principale de l’ONU, à quelques kilomètres.

La complicité de la communauté internationale

Surmenés et non préparés à un tel afflux de réfugié.e.s aux portes de leur base militaire, les soldat.e.s décident de fermer les portes , car iels ne peuvent pas accueillir plus de monde. Des centaines de personnes sont alors obligées de camper devant la base, dans l’espoir de recevoir une aide humanitaire.

Le film dépeint d’ailleurs les soldat.e.s comme étant très jeunes et naïf.ve.s, centré.e.s sur le respect des procédures. Très vite, on se rend compte qu’iels sont largement dépassé.e.s par la situation et ne savent pas comment réagir. Bien que de nombreux appels aient été passés vers l’ONU, iels sont resté.e.s sans réponse du fait de la période estivale et des responsables du siège partis en congés.

Lorsque l’armée serbe arrive à son tour aux portes de la base militaire, les dirigeants des forces armées de l’ONU échangent avec le général Ratko Mladic et s’accordent sur l’organisation par les Serbes d’un déplacement de la population réfugiée bosniaque vers des villes dans le Sud de la Bosnie-Herzégovine, là où se situe la majorité des musulman.e.s de Bosnie. Les soldat.e.s participent alors activement à l’organisation de l’évacuation de la base militaire en recensant les exilé.e.s et en les obligeant à monter dans des bus serbes après avoir séparé les femmes et les enfants des hommes.

Bilan et responsabilités

Même si les Serbes avaient promis d’emmener les réfugié.e.s dans des campements spécialisés au Sud de la Bosnie, iels ne le font pas pour les hommes. Entre le 13 et le 17 juillet 1995, les civils sont massacrés et enterrés dans des fosses communes tenues secrètes par les soldat.e.s serbes.

Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie estime entre 4 000 et 5 000 le nombre de victimes tuées lors du génocide de Srebrenica. Dans les années 2010, des fouilles étaient encore en cours afin de retrouver tous les corps ensevelis.

Le 10 novembre 2004, le gouvernement de la République serbe de Bosnie a présenté ses excuses pour le massacre de Srebrenica (mais refuse toujours l’usage du terme de « génocide ») et s’est engagé à poursuivre les responsables des exactions commises à l’encontre de la population bosniaque.

En juin 2017, la Cour d’appel de La Haye a jugé les Pays-Bas partiellement coupables de la mort de 350 musulmans lors du massacre de Srebrenica car les membres des forces armées n’auraient pas dû autoriser les Serbes à évacuer la base militaire, protégée et neutre, où les individu.e.s s’étaient réfugié.e.s pour demander asile.

La réception

Film largement salué par la critique, est nommé pour l’Oscar du meilleur film international en 2021 et pour le meilleur film en langue étrangère 2021 par la British Academy Film Awards.

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