Article 2 de la Constitution française du 4 octobre 1958 (actuellement en vigueur) :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.
La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est “La Marseillaise”.
La devise de la République est “Liberté, Égalité, Fraternité”.
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

Elle est l’un des symboles de la nation et de la République française, elle figure sur les bâtiments publics, elle est apprise et expliquée aux Français.es dès leur plus jeune âge, elle complète le drapeau et l’hymne. Elle participe à la réputation de la France comme « pays des droits de l’Homme ». La devise française existe depuis 1848 (2e République) et s’inspire des principes présents dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Pourquoi Liberté – Égalité – Fraternité ?

Arrêtons-nous d’abord sur les deux premiers termes : « Liberté » et « Égalité ». La liberté, selon le dictionnaire Larousse, est l’« état de quelqu’un qui n’est pas soumis à un maître ; situation de quelqu’un qui se détermine en dehors de toute pression extérieure ou de tout préjugé ; possibilité d’agir selon ses propres choix, sans avoir à en référer à une autorité quelconque ». Toujours selon le Larousse, l’égalité est l’« absence de toute discrimination entre les êtres humains, sur le plan de leurs droits ». Le choix de ces deux mots paraît donc logique et légitime, reflétant les valeurs démocratiques et inclusives que la France prétend et ambitionne d’incarner. Ils s’inspirent tous les deux de l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui affirme que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». De plus, dans la Constitution actuellement en vigueur, l’article 1er dispose que « Elle (La France) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Jusqu’ici donc, rien à redire, ce sont des mots forts, sans équivalent, représentant des principes fondamentaux, pour le respect de la dignité humaine, et grâce auxquels je peux me sentir fière d’appartenir à cette nation. En tant que femme de nationalité française, née en France et ayant grandi en France, je me sens en effet représentée et concernée par ces mots, je sais qu’ils s’appliquent à moi, qu’ils sont des droits fondamentaux que j’ai en tant que citoyenne française. 

Passons maintenant à la troisième et dernière partie de cette devise : « Fraternité ». Contrairement à l’égalité et à la liberté, la fraternité, elle, n’est pas citée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elle apparaît pour la première fois dans la Constitution française du 4 novembre 1848, puis dans les Constitutions de 1946 et 1958. Selon le Larousse, la fraternité est le « lien de solidarité qui devrait unir tous les membres de la famille humaine ; sentiment de ce lien ; lien qui existe entre les personnes appartenant à la même organisation, qui participent au même idéal ». C’est beau comme valeur, n’est-ce pas ? Mais alors, pourquoi voudrait-on la changer ? Une autre définition donnée est « qui a comme des sentiments de frère pour quelqu’un ». Fraternité, fraternel,… frère ! Vous le voyez maintenant mon soucis avec fraternité ?

Bien sûr que dans son usage, la notion renvoie au « vivre ensemble » (tolérance, respect de l’autre). Mais les mots ont un sens, et surtout un impact sur celleux qui les lisent et les apprennent (voir l’article « La Performativité du langage ») . En France, il faut respecter les droits de « l’Homme » et être fraternel. Voilà ce qu’on nous apprend. La représentation dans le langage est fondamentale, elle participe à notre construction, celle de notre image de nous même et des autres, c’est notamment pourquoi, dans GROW, depuis notre création, nous avons décidé d’utiliser l’écriture inclusive. Par exemple, nous n’employons pas « droits de l’Homme », mais « droits humains ». Aujourd’hui, l’emploi d’« Homme », avec un grand « H » est justifié comme faisant référence à l’humanité. Seulement, rappelez-vous qu’en 1789, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il n’y a pas de « h » majuscule et il est bien question uniquement de ces messieurs, les femmes étant encore considérées comme d’éternelles mineures, une situation était similaire en 1848, quand le terme fraternité a été choisi.

Comment rendre cette devise plus inclusive ?

Première option : on rééquilibre en utilisant l’équivalent féminin pour les 170 prochaines années… Fraternité venant de frère, sororité, venant de sœur, définie comme l’« attitude de solidarité féminine », serait donc son féminin. « Liberté, Égalité, Sororité ». Pas mal, non ? Ce n’est pas vraiment souhaitable, on aimerait plutôt une réelle représentation d’un vivre ensemble inclusif, dans lequel chacun.e. se sent concerné.e et considéré.e.

Deuxième option alors, bien que peu connue et utilisée, la langue française comprend un terme neutre pour frère et sœur : « adelphe ». Selon le site orthodidacte, il s’agit d’« un mot issu du grec ancien […] employé pour désigner un enfant ayant les mêmes parents que le locuteur. (…) Jusqu’à récemment, le mot adelphe était peu utilisé en ce sens, mais il a été repris par la communauté LGBT+ parce qu’il présente la particularité de désigner une personne sans indiquer son genre ». Son dérivé serait donc « adelphité », recouvrant à la fois fraternité et sororité. On se retrouverait alors avec « Liberté, Égalité, Adelphité ». De nombreuses féministes militent pour cette usage, c’est notamment la devise de l’association féministe Les Chiennes de garde. 

En 2018, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a présenté des propositions pour une Constitution garante de l’égalité entre les femmes et hommes. Parmi ses neuf recommandations, le HCEfh suggère une réflexion sur l’usage du terme « fraternité » dans la devise de la République, suggérant des alternatives comme « adelphité ». La proposition évoque également la possibilité du terme « solidarité », voilà ma troisième et dernière proposition. 

En effet, le mot adelphité, récent et peu utilisé, pourrait être un frein, compréhensible, à son adoption. Au contraire, solidarité est un terme commun, plus consensuel, et dont la définition, « rapport existant entre des personnes qui, ayant une communauté d’intérêts, sont liées les unes aux autres » (Larousse) correspond à ce sens du vivre ensemble que se veut incarner le 3e mot de la devise française. Clémentine Autain suggérait déjà, il y a plus de 20 ans : « la fraternité a-t-elle toute sa place dans la devise de la République ? Pourquoi ne pas lui préférer la « solidarité », qui est sous-entendue dans la fraternité, mais ne tombe dans aucuns de ces écueils ? » (« Sororité », chronique pour L’Humanité, 26 octobre 2000).

Voilà donc ma conclusion, pour une devise française inclusive, qui représente la totalité de sa population, la rend fière et lui donnant envie de défendre et d’appliquer ses valeurs  :

Liberté, Égalité, Solidarité !

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