Le Prison Journalism Project est une initiative qui vise à redonner leur voix aux personnes détenues et à leur permettre de s’exprimer pour partager leur histoire et la réalité de leur détention afin de défaire les préjugés qui existent. Ce projet est important, car il est essentiel d’entendre les témoignages de l’intérieur des prisons, d’écouter ces voix, souvent ignorées, raconter la réalité du quotidien carcéral. Dans le cadre de ce projet, les personnes incarcérées sont formées au journalisme, mais le projet réunit toutes sortes d’écrits de personnes détenues, que ce soit de la poésie, des articles ou des chansons sur les réalités et expériences de la vie en détention. 

« If I died today », Justin Cantwell

Le poème « If I died today » (« Si je devais mourir aujourd’hui ») a été écrit par Justin Cantwell dans le cadre du Prison Journalism Project. Ce texte est une exploration de la solitude et de la mort en détention. Justin Cantwell y livre ses peurs et raconte la cruauté inhérente à cette mort qui se déroule dans une isolation totale. Il s’interroge aussi sur ce qu’il adviendra de lui s’il meurt en détention. Sera-t-il pleuré ? Aura-t-il des proches pour se souvenir de lui ? Sera-t-il laissé à l’oubli, comme semble-t-il le penser, cela arrive aux personnes qui meurent en détention ?

Le poète apparaît préoccupé par cette idée de mourir sans laisser de trace, de s’évanouir du monde dans l’indifférence.

If I died today, would anyone remember my face, or would I just fade away without a trace?” (« Si je devais mourir aujourd’hui, quelqu’un se souviendrait-il de mon visage, ou disparaîtrais-je sans laisser de traces ? »)

Justin Cantwell fait par ailleurs face à ces peurs seul, son poème est un cri du cœur par lequel il exprime ses craintes et toute sa solitude en détention.

Does anyone realize that these are just a few of my fears?” (« Est-ce que quelqu’un se rend compte que ce ne sont là que quelques-unes de mes craintes ? »)

Si ce poème s’inscrit dans le contexte spécifique de la prison américaine, qui connaît des difficultés spécifiques (surpopulation et privatisation des établissements pénitentiaires par exemple), il n’en reste pas moins que les émotions et peurs évoquées par l’auteur sont universelles. Partout dans le monde, la mort en prison n’est pas que physique, mais sociale : l’indifférence réservée aux personnes détenues, et encore plus à celles qui meurent en prison, est déplorée par Justin Cantwell. Dans son poème, être en prison semble effectivement être une forme de mort, comme si être en détention signifiait ne plus appartenir au monde. Le désespoir engendré par cette isolation explique le nombre élevé de suicides parmi les morts classées comme violentes en détention. En effet, comme le rappelle le rapport de GROW1, 125 personnes se sont données la mort dans les prisons françaises en 2022.  

« If I died today », Justin Cantwell

If I died today, would anyone grieve for me tomorrow?

Is there someone who cares enough to express

sadness and sorrow?

If I died today, would anyone remember my face, or would I

just fade away without a trace?

If I died today, would anyone need to be consoled with a

hug or would I be cast away before my grave could

even be dug?

If I died today, would anyone tell stories about my life?

Will they reminisce on good times we shared

and stow away all the strife?

If I died today, would anyone stain their cheeks with

tears? I often wonder, does anyone realize that these

are just a few of my fears?

Traduction libre : 

« Si je devais mourir aujourd’hui, quelqu’un me pleurerait-il demain ?

Y a-t-il quelqu’un qui se soucie suffisamment de moi pour exprimer

sa tristesse et son chagrin ?

Si je devais mourir aujourd’hui, quelqu’un se souviendrait-il de mon visage 

ou disparaîtrait-il sans laisser de traces ?

Si je devais mourir aujourd’hui, quelqu’un aurait-il besoin d’être consolé en me serrant dans ses bras ou serais-je jeté aux oubliettes

ou serais-je rejeté avant même que ma tombe ne soit creusée ?

Si je devais mourir aujourd’hui, quelqu’un raconterait-il des histoires sur ma vie ?

Se souviendront-ils des bons moments que nous avons partagés et rangeraient-ils tous les conflits ?

Si je devais mourir aujourd’hui, quelqu’un tacherait-il ses joues de larmes ?

Je me demande souvent, est-ce que quelqu’un se rend compte que ce ne sont là que quelques-unes de mes craintes ? »

Pour aller plus loin…

Photo by Soroush Alavi on Unsplash

References
1 CAPITOLO, G., DELAHAIS, E., LEMOINE, J., OUATTARA, N. TOURE, A. (2024). La mort dans les prisons françaises. Generation for Rights Over the World. [online] Jan. 2024. Available at: https://www.growthinktank.org/la-mort-dans-les-prisons-francaises/

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