D’après Geneviève Dorais-Beauregard : « Il n’y a pas de vrais hommes et de vraies femmes, que des correspondances à des stéréotypes dictés par la société et issus de l’histoire, de la religion et autre ». 

Si nous reprenons la définition de la condition féminine d’un point de vue sociologique, cette dernière décrit la position des femmes dans l’organisation sociale. Nous pouvons admettre que de fortes attentes ont pesé sur les femmes au cours des siècles, bien qu’elles aient constamment évolué. Divers facteurs sont à l’origine du développement des rôles de genre, et, comme nous allons le constater, ces derniers ont une influence sur la vie des individus à de multiples niveaux et époques. 

De façon générale, nous pouvons admettre que la société patriarcale a toujours participé à l’élaboration d’un « modèle » féminin, qui comporte un aspect normatif et désigne ce que doit faire la femme pour valider son statut et correspondre aux diverses attentes qui lui ont été attribuées. Les attentes qu’impliquent les rôles de genre partagent des caractéristiques sociales, décrites comme  des règles qui sont comprises par les membres d’un groupe, qui guident et/ou contraignent le comportement social sans force de loi. Ces différents codes, plus ou moins restrictifs selon les époques, ont poussé les femmes à agir et à vouloir se battre. 

Dans de nombreuses sociétés depuis le XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui, les femmes ont réclamé plus de droits. Dans certains pays, ces droits sont institutionnalisés ou soutenus par la loi, la coutume locale et le comportement, tandis que dans d’autres, ils peuvent être ignorés ou supprimés. La défense des droits des femmes est pourtant nécessaire afin de parvenir à une société plus égalitaire.

En outre, nous pouvons nous apercevoir qu’à travers les genres littéraires, l’image de la femme a été dépeinte de différentes façons. La condition féminine dans la littérature est-elle alors un reflet de son statut dans la société?

Le Moyen-Âge : l’aliénation de la femme

Le Moyen-Âge est une période contrastée en ce qui concerne l’image de la femme. Les femmes du petit peuple, la plupart rurales, jouissent, en France, d’une liberté modérée et sont considérées comme majeures dès l’âge de douze ans, ce qui leur permet de prendre soin de leurs biens, de se marier et même de voter. Ces dernières travaillent autant que les hommes, que ce soit dans les champs ou en ville. Elles consacrent également une grande partie de leur temps à s’occuper de leurs enfants. 

La littérature, quant à elle, dépeint les femmes de la société de différentes façons, selon les conditions de chacune. D’un côté, les femmes du peuple sont représentées en servantes et possèdent des conditions de vie modestes, comme dans Tristan et Iseult (1170), où Béroul nous présente sa vision de la femme du peuple comme étant stupide, pauvre et parfois vieille. Toutefois, cela n’empêche pas ces dernières de jouer des rôles essentiels dans certains ouvrages au cours de l’histoire. D’un autre côté, les textes littéraires médiévaux représentent davantage des femmes nobles, sous forme de reines ou de guerrières. Elles sont des figures mythiques ou historiques, à l’image des Amazones sous les traits flatteurs de preuses guerrières redoutant le contact des hommes. Nous les retrouvons par exemple dans le roman de Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie (1170) où il raconte les combats entre les Grecs et les Amazones. Enfin, dans la littérature, les chevaleresses prennent la forme de belles guerrières, valeureuses et légendaires. C’est notamment le cas de Jeanne d’Arc qui fut l’une des chevaleresses les plus connues de l’histoire. Christine de Pisan lui a d’ailleurs consacré un poème intitulé Ditié de Jehanne d’Arc (1429). L’autrice justifie dans celui-ci les interventions divines, amplifie les sommations et exhortations de Jeanne. Nous pouvons également parler de Jehan Le Fèvre, auteur du Livre de Leësce (1373) dans lequel il honore la bravoure et le courage féminin à travers neuf grandes figures qui ont des équivalents différents selon les pays tant son succès est retentissant. Leurs exploits sont aussi remarquables que ceux de leurs homologues masculins.

Durant cette époque, les épidémies et les guerres contraignent les femmes plus pauvres à se prostituer pour pouvoir survivre, ayant pour conséquence une détérioration de leurs conditions au cours de cette ère. La soumission à une figure masculine est désormais ancrée dans les lois et le père est considéré comme tout-puissant. La femme n’est alors plus maîtresse de ses biens et n’a plus aucun pouvoir décisionnaire sur ses enfants ou sa famille. Par ailleurs, l’Eglise considère que la sexualité a pour seul but la procréation. C’est à ce titre qu’au XIVème siècle, l’ouvrage anonyme Le Mesnagier de Paris (1393) explique la bonne conduite à adopter pour une femme au sein de son foyer. Selon cette oeuvre, la femme doit placer son mari au-dessus de tout, avoir le devoir de l’aimer, de lui obéir et de le servir. Battre sa femme devient un acte normalisé et parfois même conseillé en cas de désobéissance. Le meurtre ou l’enfermement d’une femme pouvait notamment permettre à l’époux de se remarier par la suite. 

Au XIIIème siècle, la situation des femmes change alors que ces dernières doivent progressivement se soumettre à l’Eglise. On décide de cloitrer les religieuses et de les cantonner à la prière, limitant progressivement leur instruction. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait qu’auprès de l’Église, la femme incarne le maléfice. Les procès de sorcières, véritables cris de haine contre les femmes, sont l’aboutissement de longs siècles de misogynie cléricale. Dans l’Église, l’agressivité et la perversion sexuelle des inquisiteurs se déchainent à l’encontre des femmes. Il existait même des instruments de torture spécifiques pour les femmes, comme la poire vaginale, les griffes à poitrine, les araignées espagnoles, la ceinture de chasteté, les masques de la honte et les poires buccales. 

L’héroïne du fabliau anonyme Perdrix (XIIIe siècle) comprend un cas intéressant de quiproquo orchestré par la femme. Comme la morale l’indique « La femme est née pour tromper. Dans sa bouche, le mensonge devient vérité, la vérité devient mensonge ». 

Ces textes présentent donc les femmes comme des tentatrices ou bien comme des personnes naïves et faibles.

Le XVIIème siècle : un déterminisme sexué

Le XVIIème siècle est une période caractérisée par l’exceptionnelle vivacité de la littérature française. En ce qui concerne la femme, celle-ci est perçue comme un moyen pour l’homme d’assurer une succession à sa lignée ainsi que le bon maintien du ménage. Aucune classe sociale n’est épargnée par cette situation dégradante, et l’éducation féminine est définitivement tournée vers le mariage. Une vague d’initiatives se développe aux XVIème et XVIIème siècles, spécifiquement centrée sur l’enseignement féminin car les petites filles semblent être les meilleures cibles pour atteindre l’idéal d’une société catholique. Les congrégations qui s’y consacrent assurent des écoles gratuites pour les filles pauvres et des pensions payantes pour les demoiselles fortunées. La conquête de l’éducation pour les filles se fait plus grande dans les années 1680 puisque trois auteurs conçoivent des plans d’éducation pour jeunes filles. Tout d’abord, l’abbé et historien Claude Fleury publie son Traité du choix et de la méthode des études en 1685. Il propose aux filles un plan éducatif dans lequel l’instruction religieuse, plus morale que dogmatique, occupe la première place. 

Deux ans plus tard en 1687, le théologien Fénelon propose son Traité de l’éducation des filles qui est plus abouti et un peu plus permissif. L’auteur y écrit d’emblée que « Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles ». Fénelon, intégrant l’infériorité et la faiblesse du deuxième sexe, bâtit un programme destiné à y remédier car « Plus elles sont faibles, plus il est important de les fortifier ». 

Le troisième programme est composé dans la décennie 1690 mais ne sera publié qu’au XVIIIème siècle. Il porte une signature féminine puisqu’il s’agit des Avis d’une mère à sa fille de la marquise de Lambert, marqués par l’influence de Fénelon. Son plan d’éducation se base sur une présumée infériorité intellectuelle spécifique au deuxième sexe. Par ailleurs, il en est de même pour Rousseau qui, en 1762 dans Emile ou De l’Éducation, fixe encore une place précise et traditionnelle à la femme. 

Le XVIIème siècle est une période d’essor quant à la prise en compte et au respect de la pensée féminine, et marque également un tournant au niveau de la liberté d’expression de la gente féminine de la haute société grâce, entre autres, aux femmes de lettres cultivées. La littérature précieuse nous renvoie aux figures de l’époque qui ont pu recevoir une éducation brillante. C’est notamment le cas pour Madame de Sévigné, Madame de Grignan, Madame de La Fayette, Madame de La Sablière ou encore Madame Dacier. Bien que la condition paysanne n’ait pas grandement évolué, la femme de la haute noblesse peut, grâce aux salons littéraires, exprimer ses pensées sur différents sujets de société. 

Leurs pratiques n’ayant pas fait l’unanimité auprès de certains grands hommes de ce siècle, les Précieuses ont essuyé de nombreuses critiques et se sont vues attribuer le surnom de “Précieuses Ridicules”. Des auteurs comme L’abbé de Pure, Somaize ou encore Molière avec Les Précieuses ridicules en 1659 et Les Femmes savantes en 1672, dénoncent leurs pratiques excessives. Cela a largement participé à cette critique acerbe, malgré leur représentation des femmes erronée, car dans l’excès. Néanmoins, bien que les femmes subissent des critiques, elles jouissent dans ces salons du droit de s’exprimer librement sur de multiples sujets.

Le XVIIème siècle est donc une période dite « mitigée » en ce qui concerne les droits des femmes car, malgré leurs initiatives en faveur de la connaissance et de la littérature, certains hommes tentent d’éteindre ce mouvement.

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