Il y a quelques semaines, l’émission « En quête d’esprit » de la chaîne de télévision française Cnews a été sous le feu des critiques après avoir assimilé l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à l’une des causes de mortalité, la plaçant même comme la première dans le monde,  avec « 73 millions en 2022, soit 52 % des décès ». « Pour le cancer, c’est 10 millions ; et pour le tabac, c’est 6,2 millions », a ajouté le présentateur. Pour le moins catégorique, cette prise de position a ensuite été qualifiée d’erreur par les dirigeant.e.s de la chaîne, qui ont entrepris de s’excuser publiquement. 

Oui, l’avortement est une cause de mortalité. Une cause de mortalité pour les femmes, dans la mesure où il tue toutes celles qui n’ont d’autres choix que d’y procéder clandestinement. En effet, au moins 47 000 femmes meurent chaque année dans le monde des suites d’un avortement clandestin. Le destin d’embryons serait-il plus important que celui de plusieurs millions de femmes dans le monde ? 

La question semble bête, et pourtant. Le droit à l’avortement est encore très fragile : selon la Fondation des femmes, une femme meurt toutes les neuf minutes des conséquences d’un avortement illégal dans le monde. Si interdire le droit à l’IVG n’empêche pas les femmes d’avorter, il les conduit inévitablement à la clandestinité. L’accès à l’avortement est donc avant tout une question de santé publique. 

Alors même qu’il paraît évident que le fait de forcer une personne à poursuivre une grossesse non voulue ou de la forcer à se faire avorter dans des conditions dangereuses constitue une atteinte à ses droits humains, notamment à ses droits à la vie privée et à l’autonomie corporelle, le droit à l’avortement ne manque pas de faire débat.

Il est donc important de rappeler que le droit à l’avortement est un droit fondamental, celui qui permet aux femmes de disposer librement de leur corps. Avec la contraception, ce droit participe à la lutte pour l’égalité entre les genres. Constamment mis à l’épreuve par la désinformation, son inscription scellée dans la Constitution française le 08 mars 2024 semblait plus que jamais nécessaire.

Bien qu’elle n’améliore pas les conditions d’accès à l’IVG sur le terrain, puisqu’elle ne le définit plus par la notion de « droit » approuvée initialement par l’Assemblée nationale, la constitutionnalisation de « la liberté garantie » des femmes à recourir à une interruption volontaire de grossesse représente une décision symbolique qui permet de réaffirmer le caractère fondamental de ce droit. Elle vient ainsi sacraliser un droit constamment malmené, attaqué par les mouvements anti-choix et anti-IVG, qui en ont fait leur cible principale. L’incident de l’émission « En quête d’esprit » sur Cnews n’en est qu’un exemple parmi d’autres.

Partout à travers le monde, les droits sexuels et reproductifs, et particulièrement le droit à l’IVG, sont remis en cause par les extrêmes droites. C’est le cas en Hongrie, en Argentine, aux États-Unis, en Italie. La décision des parlementaires français, ce lundi 4 mars, de protéger constitutionnellement l’IVG représente donc un message porteur d’espoir aux femmes du monde entier, en France comme ailleurs. Cette victoire n’est cependant pas synonyme de défaite des mouvements anti-choix, qui continueront de déployer l’arme de la désinformation pour tenter d’entraver la liberté des femmes à disposer de leur corps. Partout, toujours, il faudra donc rester vigilant.e.s.

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