« J’ai une responsabilité envers toutes et tous les autres réfugiées qui ne sont pas entendus » Yusra Mardini

Les Nageuses retrace l’histoire vraie des réfugiées syriennes Yousra et Sarah Mardini. Un film d’une justesse implacable qui relate avec une grande force émotionnelle le destin hors du commun de ces deux sœurs championnes de natation. Ayant grandi à Damas, elles pratiquent la natation depuis leur enfance, entraînées par leur père qui compte les amener jusqu’aux Jeux olympiques. Yusra établit un record national à quatorze ans, mais lorsque plusieurs de ses coéquipier.ère.s sont tué.e.s pendant la guerre civile, elle décide de s’enfuir en Allemagne avec sa sœur et son cousin. Produit par Netflix, le long-métrage raconte comment les deux sœurs fuient la guerre en Syrie en 2015 en passant par le Liban et la Turquie, où elles embarquent avec d’autres réfugié.e.s pour l’île grecque de Lesbos. La traversée se fait à bord d’un canot, surchargé, qui tombe en panne en plein milieu de la mer Égée. Alors, les deux nageuses, ainsi qu’une autre femme, se jettent à l’eau et tirent l’embarcation par la force de leurs bras durant trois heures jusqu’à terre. Elles finissent par arriver en Allemagne, où Yousra reprend l’entraînement, mais son rêve de participer aux JO semble maintenant bien lointain, sachant qu’elle n’a pas pu s’entraîner pendant deux ans. Avec l’aide de Sven Spannekrebs, qui accepte de l’entraîner, elle ne perd pourtant pas l’objectif qu’elle s’était toujours fixé. Sa sœur, pour sa part, s’engage à son arrivée en Allemagne dans la défense des droits des migrant.e.s.

Les thèmes abordés

Ce film aborde la réalité de la vie à Damas durant la guerre civile, en passant par celle des colonnes de réfugié.e.s qui traversent l’Europe à pied jusqu’à la passion de la natation, comme un achèvement de soi, qui fait partie de ces rêves tenaces qui ne connaissent pas l’impossible.

Le film évoque d’abord la guerre civile qui a conduit de nombreux.ses Syrien.ne.s à fuir. En 2011, les pays arabes et de l’Afrique du Nord (Tunisie) se sont révoltés dans un mouvement révolutionnaire (souvent appelé « printemps arabe ») contre leurs gouvernements pour obtenir plus de libertés. En Syrie, Bachar-El-Assad y instaure une contre-offensive malgré la désolidarisation d’une bonne partie de son armée. Ce conflit cause la mort de 250 000 personnes et pousse la moitié des Syrien.ne.s à quitter leur pays en quête d’un avenir meilleur. Aujourd’hui, la guerre civile continue à mettre en péril la vie et l’avenir de jeunes talents syriens. Sarah et Yusra font partie des presque cinq millions de Syrien.ne.s qui ont fui leur pays en 2015.

Les Nageuses rend également compte des nombreux obstacles qui attendent celleux qui se voient contraint.e.s de quitter leur pays pour des questions économiques, politiques ou environnementales. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 4 000 personnes ont perdu la vie lors de leur voyage à travers la Méditerranée en 20151. En août, les sœurs ont débarqué à Lesbos avec 80 000 autres personnes. « Certaines nuits étaient belles, d’autres terrifiantes », c’est ainsi que Yusra décrira leur périlleuse odyssée jusqu’en Europe. Quand elles décident de quitter leur pays en 2015, comme des milliers d’autres Syrien.ne.s, elles s’envolent d’abord pour la Turquie. À Istanbul, elles cherchent un passeur qui les amènera jusqu’en Grèce. Après dix heures de trajet dans un bus où elles ne peuvent ni aller aux toilettes, ni faire de pause, ni même ouvrir les rideaux ; elles arrivent sur une plage. S’ensuivent quatre jours d’attente interminables, sans eau ni nourriture et une traversée dans un canot pneumatique où iels étaient vingt, dans un bateau de sept places. L’arrivée en Grèce est une nouvelle épreuve. Iels sont reçu.e.s temporairement dans un camp de réfugié.e.s où les conditions de vie sont insalubres. Puis, comme de nombreux.ses réfugié.e.s, iels passent les frontières avec beaucoup de difficultés face à des pays européens qui ne souhaitent pas les accueillir.

La situation des deux sœurs aujourd’hui

Entre 2016 et 2018, Sarah Mardini poursuit son engagement lors d’opérations de recherche et de sauvetage au sein de l’Emergency Response Center International (ERCI). Malgré une coopération continue avec les autorités, Sarah se retrouve pourtant sur le banc des accusé.e.s en 2018. Elle est arrêtée le 21 août pour avoir sauvé des migrant.e.s de la noyade sur l’île de Lesbos. Du statut d’héroïne à celui de criminelle, elle risque 25 ans de prison, accusée par les autorités grecques de « trafic humain », de « blanchiment d’argent », de « fraude », « d’espionnage », mais aussi d’appartenir à une organisation criminelle. À l’issue de son procès, elle passera finalement 106 jours en détention préventive. Un procès emblématique de la « criminalisation » de la solidarité selon Amnesty International2, alors qu’elle ne faisait que « distribuer des serviettes et de l’eau », comme elle l’explique en larmes dans une conférence TED3 organisée à Londres, en janvier 2020.

Depuis sa sélection aux Jeux olympiques de Rio 2016, Yusra Mardini coopère étroitement, à seulement 19 ans, avec le HCR. Après des qualifications à Rio en 2016 et Tokyo en 2020 où elle intègre la toute première équipe olympique d’athlètes réfugié.e.s, elle souhaite faire connaître la crise mondiale des réfugié.e.s. Elle devient ainsi la plus jeune ambassadrice du HCR  en avril 2017. Ses performances sportives et son militantisme sont le plus bel exemple de la résilience et la détermination des réfugié.e.s à reconstruire leur vie et à apporter une contribution positive aux communautés d’accueil.

Les Nageuses, long métrage de Sally El Hosaini, 2022, 134 minutes, disponible sur Netflix.

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